Des antispécistes rachètent un zoo
Fin 2019, une coalition d’associations animalistes se réunit, sous le nom de Rewild, afin de racheter le zoo de Pont-Scorff, dans un piteux état et proche de la faillite. Ils espèrent améliorer les conditions de vie des animaux captifs et quand cela est possible de les réintroduire dans leur milieu naturel.
Ils lancent donc une cagnotte en ligne et font appel aux personnalités de la cause animale qui ameutent tous les grands médias et les associations animalistes (One Voice, L214…). Hugo Clément réalise une vidéo qui fait des millions de vues et très vite, la somme de 600000 € nécessaire pour le rachat du zoo de Pont-Scorff est atteinte, notamment grâce à Marc Simoncini, fondateur de Meetic, qui fait un don de 200000 €.
Certains se posent tout de même la question de l’intérêt de racheter une entreprise au bord de la faillite, qui licenciait déjà son personnel deux ans auparavant, avec un bilan financier catastrophique et des investissements futurs de plusieurs millions d’euros entre la mise aux normes pour le bien-être animal et les nouvelles installations pour leur restaurant végan et les animaux en réalité virtuelle.
Contradiction entre le projet Rewild et les valeurs antispécistes
De nombreuses personnes connaissant en détails le dossier de ce zoo s’interrogent sur l’intérêt qu’ont des végans de récompenser l’ancien propriétaire du zoo d’une somme d’argent qu’il n’aurait jamais pu espérer récupérer autrement, sachant qu’il possède d’autres structures dans lesquelles il pourra réinvestir cet argent. N’est-ce pas là contre productif pour leur conception de la cause animale ?
De plus, le véganisme est censé être une façon de vivre basée sur le refus d’exploiter les animaux. Appeler aux dons en manipulant l’opinion à travers des vidéos d’animaux est une façon de les utiliser dont Rewild ne s’est pas privé. S’il s’agissait d’images d’humains, on pourrait les assigner en justice ; eux qui adorent faire le parallèle entre les humains et le monde animal, la question devrait se poser.
Quant à l’application de l’antispécisme dans le cadre d’un zoo, ils vont se confronter à des dilemmes de taille comme le fait de refuser de soigner un animal avec un traitement testé sur les animaux, ou encore d’interagir le moins possible avec eux pour éviter de les perturber, ce qui veut dire potentiellement moins de soins et d’hygiène. Il y a aussi le problème de l’alimentation des animaux carnivores qui les obligent à l’utilisation d’aliments qu’ils se refusent à eux-mêmes. Certains allant même jusqu’à nourrir d’une alimentation végétalienne les chats qui sont des carnivores stricts, vont-ils faire de même avec des lions ou des guépards ?
Les animalistes s’en prennent depuis longtemps aux zoos
Même si Rewild a le très large soutien de l’opinion publique, on observe une vraie défiance des professionnels du monde du zoo, voyant d’un mauvais oeil cette intrusion bruyante dans laquelle les végans n’ont montré aucun zèle dans leurs méthodes de communication, présentant les zoos comme des lieux de souffrance pour les animaux qui ne seraient qu’exploités sans aucun regard du bien-être animal.
“En 1976, il y avait déjà eu une opposition portée par des militants souhaitant la fermeture des zoos.” explique Alain Le Heritte, ancien directeur de Pont-Scorff, “On utilisait déjà des photos montrant des animaux en captivité, sous des angles bien choisis. Pierre Thomas, fondateur du zoo de Pont-Scorff, était monté au créneau et avait participé à la création d’un syndicat national des parcs zoologiques.” L’Association Française des Parcs Zoologiques de France (AFdPZ) a reçu de nombreuses attaques de Rewild, ne présageant rien de bon quant aux relations qu’ils doivent entretenir, notamment pour les dossiers de réintroduction d’animaux sauvages. Des soignants animaliers témoignent : “Beaucoup de fausses informations ont été transmises pour attendrir le public. Dans la vraie vie, ce n’est pas aussi simple de relâcher des animaux captifs dans la nature. Se mettre aussi l’European Association of Zoos and Aquaria (EAZA) à dos et vouloir relâcher des animaux … Deux choses totalement incompatibles puisque c’est cette association qui s’occupe des projets de réintroduction et conservation. Voilà ce qui se passe quand des non professionnels s’improvisent à un dossier complexe comme la reprise d’un zoo. Leur vision de notre profession est arriériste, maintenant quasiment tous les zoos européens ont des projets de réintroduction et aident la recherche scientifique. Tous les zoos travaillent en commun pour aider la faune sauvage. Il peut y avoir des installations vétustes, mais elles sont très souvent suivies d’un projet de rénovation possible notamment grâce aux bénéfices que rapportent les visiteurs des zoos, choses à laquelle / dont Rewild a décidé de se priver dès le départ.”
Face aux méthodes militantes agressives et à la gestion opaque de Rewild, certaines associations de soutien ont préféré quitter le navire. Ce fut le cas notamment du Centre Athéna ou encore de Wildlife Angel, alors que ce sont des acteurs très engagés pour la cause animale. C’est dire si l’extrémisme patent des antispécistes n’est pas un frein à la réalisation de projets réels. Les reportages et les actions chocs ne peuvent pas être le seul mode d’expression pour faire avancer leur cause. Si cela attire la sympathie des militants engagés pour récolter des fonds, ils se font vite rattraper par la réalité du terrain où tout n’est pas aussi binaire entre les gentils qui veulent sauver les animaux et les autres qui les exploitent.
Les zoos ne sont pas uniquement des lieux de divertissement pour le public
Les végans ont oublié tous les rôles que peuvent jouer les zoos :
- Réintroduire des animaux sauvages
Les zoos ont toujours participé à des programmes de réintroduction d’animaux sauvages et les organismes fédérateurs de ce type de projet comme l’AFdPZ ou l’EAZA collaborent avec eux. - Récupérer des animaux victimes de trafic et de maltraitance
Par exemple, le zoo refuge la tanière offre des conditions de luxe pour ces nouveaux pensionnaires parfois au passé douloureux. Ils ont même reçu une visite de la ministre Barbara Pompili qui les soutient. - Des programmes d’aide à la faune sauvage.
Il existe des centres de soin et de réhabilitation à la faune sauvage, et certains zoos prennent en charge ce type de missions dans leurs structures (par exemple le zoo de Martinique) afin de permettre à des animaux sauvages blessés ou en convalescence de pouvoir mieux reprendre leur vie d’avant. - Des sauvetages d’espèces menacées
La première cause d’extinction des animaux, ce n’est ni la chasse, ou la capture d’animaux sauvages, mais la destruction de leur habitat par l’augmentation perpétuelle des activités humaines, liée à la croissance de la population humaine. L’AFdPZ participe à la conservation d’espèces menacées à travers le monde entier. Ce type de programme permet à des espèces qui ont totalement disparu de la surface du globe comme le lion d’Atlas ou le panda, d’exister encore.
Les animaux des zoos ne souffrent pas
Le zoo a bien évidemment un rôle de divertissement et de pédagogie pour ses visiteurs, qui n’est pas forcément antinomique au bien-être animal avec des soignants bien intentionnés et un public encadré.
Il ne faut pas voir les animaux des zoos comme des prisonniers en souffrance. Cela résulte d’un anthropomorphisme, on projette sa propre vie dans un enclos en attribuant le même niveau de conscience aux animaux, et surtout on idéalise la nature comme un large espace de liberté et de douceur alors que la compétition y est rude et permanente pour survivre ; contrairement au zoo, où les animaux sont protégés de la famine et de la prédation, soignés des maladies et des parasites, avec des abris et des installations adaptées à leurs besoins climatiques.
Le bien-être animal, cela coûte cher
S’il y a bien une leçon que les végans doivent retenir de cet échec de la reprise du zoo, c’est l’importance des ressources financières pour s’occuper d’un parc zoologique, et peut-être n’était-ce pas la meilleure idée que de se priver de la principale source de revenus d’un zoo, à savoir les visiteurs. Ils auraient dû au moins prendre la précaution de finaliser leur projet de restaurant végan et d’animaux virtuels avant de prendre une telle décision.
Le zoo de Pont Scorff ne compte pas moins de 600 animaux, élevant à plus de 1 million d’euros le coût de fonctionnement sur une année, une somme allant au-delà même de de la cagnotte de départ qui ne représentait que l’achat du zoo. Pour dire à quel point le niveau d’endettement de Rewild après plus d’une année sans visiteurs est énorme, et cela malgré tous les soutiens qu’ils ont eu entre la cagnotte, tous les dons de nourriture, des nuits d’hôtel offertes ; pour dire à quel point ils bénéficiaient d’une aura monstrueuse pour que tout le monde leur accorde autant de bienveillance. Même l’État a fait preuve de beaucoup de clémence à leur égard en repoussant à plusieurs reprises la date butoir de remise aux normes.
Faire du mal en voulant faire le bien
Et malgré les nombreuses mises en garde des professionnels du zoo (quelques exemples : Alain Le Héritte, Raphaël Windson, soigneurs du zoo de la Boissière, un vétérinaire…) quant à la faisabilité de leur projet de réensauvagement mais aussi plus simplement de la gestion du zoo, les nouveaux propriétaires, gonflés de leur égo d’avoir réussi un coup de poker en rachetant un zoo à base de donations, n’ont fait qu’enchaîner les mises en demeure, pour de nombreux manquements à leur devoir vis-à-vis de l’État mais aussi du bien-être des animaux :
- Absence de capacitaire permanent pour l’ensemble des espèces animales présentes, permettant un meilleur suivi.
- Médicaments périmés dans la pharmacie
- Mauvaise gestion des eaux usées
- Mauvais entretien de certains enclos
- Pas d’assurance pour le zoo
- Problèmes de biosécurité avec des animaux qui s’échappent comme des perroquets en pleine grippe aviaire ou un wallaby, un jaguarondi a été percuté par une voiture
- Une gestion opaque de l’équarrissage avant que l’administration française s’en mêle et un nombre anormal d’animaux morts pour des raisons diverses :
- Certains sont morts inopinément après des changements brutaux d’alimentation comme le rhinocéros jacob,
- d’autres ont été euthanasiés, justifié par leur âge, comme l’ours cochine,
- il y a aussi eu des mauvaises gestions de naissance sur une portée de lycaons dont 5 sont morts très rapidement alors que les autres sont devenus aveugles et aujourd’hui Rewild réclame de nouveau de l’argent pour l’opération, mais l’enthousiasme du début étant dissipé, ils n’ont pas su rassembler plus de 3000 €
- Pour finir, des animaux sont morts car ils ont été mis dans le même enclos alors qu’ils appartenaient à des espèces animales différentes, notamment un panda roux a tué ses nouvelles colocataires, des bernaches. Cette erreur peut s’expliquer par la vision déconnectée des antispécistes idéalisant la nature et pensant que des espèces n’ayant aucun lien direct dans la chaîne alimentaire allaient cohabiter en paix…
Dans un communiqué de la DDP, le préfet leur a interdit en urgence l’ouverture du zoo. Et malgré les annonces d’ouverture de leurs ateliers pédagogiques, ils n’auraient jamais pu légalement ouvrir dans des conditions aussi déplorables.
Ils sont aussi entrés en conflit à de nombreuses reprises avec d’autres zoos quant à la restitution de certains animaux dont ils n’étaient plus en capacité de s’occuper comme deux tortues géantes ou encore les perroquets du Gabon, alors que le World Parrot Trust leur promettait de bien meilleures conditions de vie.
Le nouveau gérant de Pont-Scorff au passé sulfureux
Jérôme Pensu fut désigné comme directeur du zoo pour le projet Rewild. Intéressant que Rewild le choisisse alors qu’il avait un regard très critique sur la réintroduction d’animaux sauvages (il a depuis supprimé ce post Facebook) :
Par le passé, il a créé le Biome, cité comme exemple de centre d’élevage par les végans, alors qu’il n’a jamais existé et que ce n’était qu’un écran de fumée.
Il a aussi travaillé pour Alca Torda, centre de soins financé en partie par des chasseurs, qu’il s’est empressé de transformer en centre de récupération de saisie. Si certaines des saisies étaient justifiées, d’autres l’étaient moins. D’ailleurs, des affaires sont encore en cours avec des oiseaux qui peuvent valoir jusqu’à 260000€. Il a été viré pour avoir vendu des animaux annexe IA (plus haut statut de protection) dont il n’avait pas l’autorisation. Il est aussi passé au Centre Athenas, où il a participé à une saisie pour maltraitance au Bois des Aigles. Malheureusement, une partie de ces animaux exotiques nécessitaient des conditions de détention et de nourrissage très pointilleuses qu’ils n’ont pas su apporter et une partie de ses oiseaux sont morts.
On peut donc dire qu’il avait déjà témoigné de son incompétence, c’est donc moins étonnant que Rewild soit à son tour un échec.
Liquidation judiciaire, fin de partie pour Rewild
Rewild a fini par entrer en liquidation judiciaire. Ironique sort pour une association qui a engagé un avocat afin de mener en justice toute personne qui oserait porter un regard critique sur leur projet.
Ils détenaient 70 % du zoo, faisant d’eux l’actionnaire décisionnaire. L’ancien propriétaire du zoo Alain Le Héritte, toujours actionnaire à 30 %, n’a jamais interféré dans leur projet bien qu’il ait tenté de les raisonner.
A présent, Jérôme Pensu est légalement responsable des dettes du zoo de Pont-Scorff, bien qu’il ait été démis de ses fonctions.
Aucune indignation des associations animalistes
Malgré les nombreuses mises en demeure face au non-respect des normes du bien-être animal, aucune association a dénoncé les conditions de vie des animaux qui s’étaient encore dégradées depuis l’arrivée des antispécistes fin 2019 étant donné la situation financière du zoo. Aucune vidéo choc de L214, aucune enquête d’Hugo Clément, qui pourtant devait revenir sur les lieux pour montrer l’évolution du projet un an après.
Aucun animal n’a été libéré, les dettes du zoo ont enflé, et les animaux n’ont que plus souffert de cette situation. Ce projet utopique a été rattrapé par la réalité et a fini en sombre dystopie…