Positionnement du système manducateur et digestif humain dans la phylogénie

Positionnement du système manducateur et digestif humain dans la phylogénie

Nous remercions Yohann Regazonni, abonné Pas Végan, qui a rédigé cet article très complet qui vous permettra de comprendre l’alimentation naturelle de l’humain en utilisant l’anatomie comparée sur la mâchoire et le système digestif.

Introduction

Pour tout préambule, je dispose d’une maîtrise en biologie générale. Je ne suis ni médecin, ni nutritionniste. Or la science n’établit aucun dogme ni vérité absolue. Elle se contente d’hypothèses. Je vais donc tenter d’apporter un point de vue soutenu par ma spécialité qui a le mérite de s’affranchir des mécaniques plus complexes et moins maitrisées qui peuvent parfois donner du crédit à des théories plus ou moins farfelues récupérées par les ferveurs défenseurs de causes en manque de crédit.

A l’heure actuelle, la science part du postulat qu’une hypothèse est bonne tant qu’elle n’est pas remise en cause. Aussi, les théories de l’évolution de Lamarck, de la sélection naturelle de Darwin et Wallace et l’introduction récente du néodarwinisme intégrant la fréquence de mutation comme moteur de la sélection naturelle et sa progression ponctuelle et non graduelle popularisée par Jay Gould et Eldredge sont communément admises comme postulat de départ.

Nous allons donc nous en servir pour étayer cet article articulé autour de l’analogie comparée des systèmes manducateurs puis du système digestif dans un second temps.


CETTE IMAGE VEUT FAIRE CROIRE QUE L’HUMAIN EST HERBIVORE

PROPAGANDE VÉGANE

C’est cet extrémiste qui a popularisé, chez les végans, l’idée que l’humain serait herbivore (26min52). Son discours choquant a fait basculé beaucoup de gens dans le véganisme, alors qu’il est basé principalement sur l’émotionnel et des mensonges.

Le système manducateur : la mâchoire

Intéressons nous à l’appareil manducateur tout d’abord, plus précisément l’appareil masticatoire.

Il y a eu de nombreuses marques d’évolutions dans cet organe apparu lors de la céphalisation des animaux. Certains animaux se sont équipés de bec tandis que la plupart se sont équipés de dents qui est un parfait exemple de convergence évolutive*.

On retrouve des dents dans une grosse majorité d’espèces et leurs formes et fonctions sont toutes très diverses. Alors que certains mammifères placentaires ont fini édenté (les édentés était un ancien taxon pour les désigner, actuellement regroupés sous le terme Xenarthra) et d’autres ont développé des fanons il y a 40 millions d’années de ça (les baleines), tous sont porteurs de gènes favorisant l’apparition d’une dentition. Le taux de mutation pour parvenir à ce caractère et la sélection naturelle favorisant une telle utilisation pour leur régime alimentaire à conduit à ces phénotypes* différents du nôtre.

Il est donc nécessaire de se recentrer sur ce qui orne notre mâchoire et leur origine.

Nous sommes des oligodontes (peu de dents), hétérodontes (dents différentes) et surtout plexododontes (dents aux formes complexes). L’analogie par rapport à tout autre type de dentition n’a donc pas lieu d’être pour estimer leur rôle.


Voici un schéma comparatif de plusieurs mammifères évolués :
 
Image issue de VivaHealth, un site pro végan

Il est à noter des similarités entre ces mâchoires. Outre le positionnement en lame selon un axe antéro-postérieur et leur rôle général de mastication, les formes sont toutes différentes dans chacune d’entre elles.

Historiquement ces formes semblaient dénoter de fonctions : 
– Les molaires pour broyer
– Les canines  pour déchiqueter
– Les incisives pour saisir et couper

Les carnivores arborent des cuspides* plutôt pointus tandis que celles des herbivores sont relativement planes. Bon nombre de végans vont argumenter sur la diminution de la proéminence de la canine et l’aplanissement des molaires pour exprimer une orientation vers une alimentation végétale. Or cet argument est un simple raccourci ne prenant en compte que cette seule fonction et ne tient pas compte ni des autres rôles des dents ni le processus évolutif dans le genre homo.

Les canines possèdent par exemple un rôle d’apparat chez certains herbivores (ce même site montre le cas du cerf) ou d’outil défensif comme chez les éléphant. Aussi une « réduction » de ces dents n’est pas corrélaire d’une absence de besoin de viande si on admet que leur « allongement » ne représente pas l’inverse.

On note aussi une fonction cruciale dans l’occlusion dentaire des canines. Leur organisation permet un alignement des lames pour permettre une mastication optimale. Ici les débats sont très nombreux mais l’augmentation de la boîte crânienne semble suggérer que les canines n’ont plus à être surdimensionnées chez l’homme pour remplir ce rôle.

Évoquons enfin la composante évolutive. Il ne faut pourtant pas perdre de vue qu’il s’agit d’un processus lent et que l’homme n’a que 4,2 Millions d’années (si on considère l’homme issue des australopithèques) ce qui est une broutille à l’échelle planétaire. Durant ce laps de temps le cerveau à énormément évolué tandis que les dents sont quasi restées à l’identique ce qui est un indice supplémentaire pour indiquer qu’elles sont adaptées à notre régime alimentaire omnivore et du régime alimentaire archaïque de nos plus proches cousins : les singes.

Là encore les travaux de Jay Gould suggèrent que l’origine du crâne humain est due à une mutation d’un gène créant une néoténie*.

 

Le crâne humain est donc similaire au crâne juvénile du gorille laissant supposer que ce « retard de croissance » est aussi applicable à l’appareil masticatoire.

 A l’instar des mandibules qui évoluent d’une parabole à un U franc chez les singes, elle garde sa forme parabolique chez l’homme juvénile et adulte, suggérant que la taille réduite de la dentition est également une conséquence de cette mutation et non une adaptation à notre alimentation.

Si un humain pouvait vivre 2000 ans, on suppose que son crâne se rapprocherait de celui du gorille et arborait les mêmes canines.

 

 

Ceci étant, les végans vont là encore pouvoir invoquer le régime frugivore de la plupart des grands singes. La encore c’est un raccourci grossier car tous les grands singes sont omnivores. (Soyons beaux joueurs, certains sont considérés comme frugivores non stricts pour accentuer leur grande consommation de fruits). Ce qui signifie qu’ils digèrent parfaitement la viande et les protéines d’origine animale.

En conclusion l’homme n’est pas un cas « à part » de l’évolution. Il n’en est ni l’aboutissement, ni la quintessence. Juste une étape parmi tant d’autres. Il s’agit d’une réalité scientifique qui ne peut être niée pour tenter de se conformer à une mouvance. Si rien n’atteste d’une direction précise évolutive, ce que nous savons n’alimente pas le « dogme » de certaines communautés visant à « prouver » (ce que la science réfute au plus haut point, voir introduction) que la dentition humaine est faite ou tend à s’orienter vers un régime végan.

 

Le système digestif

Disons le d’emblée : Il y a autant de régimes que de nutritionnistes.
Aussi, depuis des dizaines d’années les lobbys agroalimentaires ne font que corrompre nos ébauches de savoir. On est passé de la recommandation du petit godet de vin par jour au véganisme en passant par les régimes hyper puis hypo protéinés. En cause une mécanique corporelle plus que complexe et dont chaque élément est lié aux autres. Aussi chaque petite avancée scientifique est ainsi tordue ou exploitée pour rentrer dans un carcan moralisateur. Chaque hypothèse est vidée de sa substance en devenant une vérité absolue.

Cet article à donc pour but de relayer des observations en terme d’anatomie comparée.

Évoquons tout d’abord les longueurs de tubes digestifs pour des animaux de même gabarit :
– Mouton ~ 27m
– Humain ~ 8m
– Gros chien ~ 3m

Ces valeurs sont évidemment des moyennes et peuvent varier (notamment d’une population à une autre, notamment humaine. Le mot « race » était encore employé).

Cette seule information n’est pas suffisante pour étayer une hypothèse mais il existe globalement une corrélation entre longueur (et diamètre) de l’intestin et régime alimentaire. Ici encore l’humain semble avoir la capacité d’un omnivore.

Pour aller plus loin, observons les différences fondamentales entre une cellule animale et une cellule végétale.

On remarque que les composants sont strictement identiques car ce sont toutes 2 des cellules eucaryotes*. Les seules différences sont la présence de grosses vacuoles dans la végétale pour la maintenir en turgescence*, de plastes pour être autotrophes* (notion qui nous intéressera par la suite) mais surtout d’une épaisse membrane de Cellulose.

L’homme, et globalement tous les animaux, sont hétérotrophes*. C’est à dire qu’ils ne peuvent synthétiser eux mêmes leurs acides aminés (au nombre de 20) et sont donc obligés de les piocher dans le milieu extérieur par le biais de l’alimentation. Contrairement aux plantes qui le peuvent grâce aux plastes qui utilisent l’énergie solaire.
Ainsi naquit la nécessité de se nourrir.
Les 2 cellules étant différentes, les stratégies pour intégrer leurs composants le sont également.

Soyons clair : Les animaux ne peuvent par eux même pas attaquer l’armure de cellulose. Il doivent avoir recours à des bactéries commensales* dans l’intestin.

Chez les herbivores stricts, on note, en plus d’un allongement du système digestif, une complexification de l’estomac en 4 parties : le rumen (panse), le réticulum (bonnet), le feuillet puis la caillette (pour la préparation des tripes on utilise d’ailleurs uniquement  les 3 premiers car le dernier est une grande usine de fermentation donc trop acide ^^⁾ afin de pouvoir « ruminer » et briser cette armature cellulosique rigide par le biais de plusieurs passages dans la bouche puis dans les différents poches.
Chez d’autres herbivores, notamment les frugivores, l’appareil n’est pas si complexe mais on note la présence d’un Caecum conséquent. Il s’agit d’une poche à l’intersection entre l’intestin grêle et le gros intestin qui sert de sac à fermentation et de cocon microbien. Les carnivores en possède un également mais très réduit.



Pour illustrer le propos et s’affranchir des tailles relatives des animaux choisis on parlera en proportion. Le caecum représente 20 % du système digestif chez le lapin contre 0,17 % chez le chien. L’homme présente un caecum occupant 0,20 % de son tube digestif.

La encore, il semble évident que la mécanique humaine s’apparente plus à celle d’un carnivore que d’un herbivore. Pire encore la partie vestibulaire de cet organe s’est aminci pour donner l’appendice. Il est vrai que les grands singes, dont on a déjà évoqué le régime frugivore non  strict, possède un caecum qui s’apparente au nôtre … à la différence près que leur appendice est plus longue.

Ainsi, notre corps renferme lui aussi un sac qui sert de cocon microbien mais la fermentation et la digestion de la cellulose ne peut se produire que dans le gros intestin et n’a pas de poche dédiée.

Pour terminer j’évoquerai rapidement l’assimilation des protéines et nutriments. La encore ce domaine est particulièrement méconnu et il est dit tout et son contraire. Le seul détail qui peut être corrélé avec l’ensemble des observations ici faites est que, hormis produits transformés et éléments extracellulaires, si on ingère des cellules animales ou des cellules végétales, les nutriments résultant de la digestion peuvent s’opérer au niveau de l’intestin grêle pour l’un, et du gros intestin pour l’autre. Les protéines animales sont donc plus facile à assimiler tandis que les protéines végétales nécessite une étape de fermentation et une flore intestinale en bonne santé.

Une fois encore l’homme apparaît très clairement comme un omnivore et ne présente aucune prédisposition au véganisme pur d’un point de vue anatomique.
Chercher à nier une évidence scientifique ne peut se faire qu’en exprimant une nouvelle hypothèse qui viendrait supplanter l’ancienne. Or à l’heure actuelle il n’existe aucune étude qui tendrait à redéfinir ce que nous connaissons sur ce sujet.

Lexique
Convergence évolutive : caractère similaire malgré une origine biologique différente.
Phénotype : traits observables d’un individu. Caractère visible hérité du génotype.
Cuspide : relief de l’émail
Néoténie : conservation d’un état juvénile chez l’adulte
Eucaryotes : organisme unicellulaire complexe, composée d’un noyau et d’organites.
Turgescence : action de gonfler sous la pression d’un flux ou d’un liquide
Auxotrophie : capacité à générer des matières organiques
Hétérotrophie : incapacité à synthétiser des éléments organiques
Commensalisme : association de plusieurs organismes pour un interêt mutuel, opposé au parasitisme ou à la symbiose.

Bibliographie
– Bloch Adolphe. Des variations de longueur de l’intestin. In: Bulletins et Mémoires de la Société d’anthropologie de Paris, V° Série. Tome 5, 1904. pp. 160-197. 
– Hervé Georges. De l’existence d’un appendice caecal rudimentaire chez quelques pithéciens. In: Bulletins de la Société d’anthropologie de Paris, III° Série. Tome 5, 1882. pp. 792-794. 
– https://www.lelivrescolaire.fr/manuel/1887234/svt-5e-2017/chapitre/1887313/les-echanges-de-matiere-indispensables-a-la-vie/page/1887547/quelles-sont-les-caracteristiques-de-la-nutrition-animale-/lecon
https://www.la-viande.fr/animal-elevage/boeuf/rumination-chez-bovins
– HEIM JL., GRANAT J., ( 2001) — Les Dents Humaines. Origine, Morphologie, Evolution in Paléo-odontologie. Artcom, pp10-37 
– Stephen Jay Gould, – Ontogeny and Phylogeny
– Jean Granat, Evelyne Peyre. L’HOMME, SES INCISIVES, SON ÉVOLUTION ET L’ANATOMIE
– CRANIO-FACIALE AU XVIE SIÈCLE. Biom. Hum. et Anthropol, 2002, 21 (3-4), pp.135-143.
– Granat J. hal-00728539
https://www.futura-sciences.com/sciences/dossiers/anthropologie-anatomie-comparee-homme-singe-694/page/7/
http://svtmarcq.blogspot.com/2016/11/theme-1a-genetique-et-evolution-un.html
https://www.vivahealth.org.uk/wheat-eaters-or-meat-eaters/teeth-dentition

 

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